Lundi 11 Juin, le Théâtre de la Porte Saint Martin à Paris était comble, à l’occasion de la deuxième édition du Prix Claude Lemesle, organisé par la SACEM avec de nombreux partenaires, en hommage à Pierre Delanoë, qui nous a quitté en janvier cette année.
Auteur de 5000 chansons, dont au moins 500 grands succès, Pierre restera pour tous les auteurs de chansons une référence absolue de talent, de foisonnement d’idées, de diversité. Grande gueule, et grande plume, il a marqué d’une empreinte profonde plusieurs générations d’artistes, et créé sans le savoir une émulation permanente, qui nous fait secrètement envier les plus belles de ses chansons. “Le Bal des Laze” (pour Michel Polnareff), “Nathalie”, “Et maintenant”, (pour Gilbert Bécaud) “Je n’aurai pas le temps”, “La belle histoire” (pour Michel Fugain), “La fille du Nord” ou “Santiano” (pour Hugues Auffray), “Soirées de Princes” pour Jean Claude Pascal…
Et puis il a été un ardent défenseur de notre métier en tant que Président de la SACEM…
La première partie de la soirée a consacré une jeune artiste , “Za”, qui nous a offert une très belle chanson “Mai en moi” qui lui a valu de repartir avec le trophée du “Prix Claude Lemesle 2007”.
La seconde partie était un hommage particulièrement émouvant rendu par de nombreux artistes parmi lesquels Marcel Amont, Hugues Auffray, Chimène Badi, Didier Barbelivien, Alain Chamfort, Alice Dona, Michel Fugain, Didier Gustin, Jeane Manson, Nicoletta, Francis Perrin, François Valéry, Hervé Vilard…
En chantant “Soirée de Princes” sur cette scène, devant les siens, j’ai revécu le moment où j’avais chanté cette chanson avec Pierre. Je me suis souvenu de la lettre que je lui avais adressé à sa mort, et que Sylvie, sa fille, avait lu pour ses obsèques… la voici.
Très cher Pierre,
T’écrire une lettre pour te rendre hommage, c’est un peu comme offrir une poésie à Victor Hugo… Tu ne la liras jamais, mais ça fait longtemps que tu écoutes par-dessus notre épaule quand on fait nos chansons… Tu nous as tous vus naître, artistiquement chantant, et si nous passions la rampe, au crible de ton sens critique acéré, c’était comme un adoubement implicite de ta part. Ainsi, tu as eu beaucoup d’enfants, des enfants de cœur, qui t’accompagnent aujourd’hui à Saint Pierre de Neuilly. Saint Pierre… Pouvait-on faire moins ? Même au paradis, on ne met pas les paroliers au Panthéon, mais le visage que certains d’entre eux ont forgé de leur époque est une mémoire collective qui traverse le temps et les générations. Il en sera ainsi pour toi. Pas seulement par les milliers de chansons que tu as écrites, mais aussi par le regard que tu as porté sur ton métier d’auteur, et qui nous laisse un testament de la méthode. Tu n’étais pas seulement le plus prolifique, tu étais aussi le meilleur. Tes coups de gueule étaient féroces, tes coups de cœur ardents, et pas un seul d’entre nous ne peut renier ce qu’il te doit. J’ai chanté « Nathalie » bien avant d’écrire ma première chanson, et je chanterai encore « Le Bal des Laze» ou « Je n’aurai pas le temps » avant qu’il ne soit longtemps. Ta chaise va nous sembler bien vide, mais ce ne sera qu’un tour de magicien. Maître chanteur, tu déposeras encore à la SACEM des milliers de poèmes, semés dans nos stylos par l’encre sympathique que tu y as versé sans cesse, en mettant ton talent au service de celui des autres… Ta voix profonde cadrait peu avec l’air du temps, mais elle parlait juste, et fort. Tu défendais notre profession en vers et contre tout, vent debout à la proue du bateau. Tu fuyais le succès, qui ne cessait pourtant de te rattraper, et tu cherchais la rime la plus belle, en tournant mille et mille fois ta langue française dans ton palais. Je nous revois chanter ensemble « Soirées de Princes ». Je savais combien cette chanson t’était précieuse, c’était aussi ma préférée… Avoir pu ainsi te rendre hommage de ton vivant était un grand honneur.
Aujourd’hui, pour nous tous, il gèle à Pierre tendre. Tu emportes avec toi le respect de toutes les générations dont tu as nourri l’exigence, et tu avais mis la barre très haut. Merci, et bravo.
Adieu, très cher Pierre, et à très bientôt. Tu n’es mort que dans la vie. Sur le papier, sans épée ni paillettes, tu es devenu un immortel de l’académie la plus belle, aux côtés de Verlaine et de Mimi Pinson…
Et le spectacle continue…
Yves
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