Ecrire un tango n’était pas ma tasse de maté *… Pourtant il a suffi d’une conversation et d’un défi lancé lors d’un dîner, suite à la (re)lecture de la “Lettre au chocolat…” pour que j’écrive dans la nuit la première ébauche du texte **. Après la “Lettre au chocolat”***, voici le “Tango…”, dont nous avons confié la musique à Romain Didier…
“Le Tango du Chocolat”, enregistré en public aux Folies Bergère le 19 mai 2023
(*) le maté est une boisson traditionnelle en Amérique du Sud… 😄
(**) Voici l’une des toutes premières versions du texte…
LE TANGO DU CHOCOLAT
C’est pas le premier hidalgo
En posant la main sur son dos
Qui va nous imposer son pas
Pour qu’elles nous tombent dans les bras
Ravel n’a qu’à bien se tenir
Avec son petit boléro
On joue pas dans la même cour
Le meilleur prélude à l’amour
C’est pas le Mambo, la Salsa
Le Calypso ni la Rumba
Le morceau qui l’emportera
C’est beaucoup plus simple que ça…
C’est le tango du chocolat
Qui vous secoue de haut en bas
La main tendue vers le placard
On sent qu’il est déjà trop tard
La tentation du cacao
Ca vous saisit dès le berceau
Juste au bord du premier carré
Si on y mord on est accro
Au son déchirant du bando
Le chocolat c’est un tango
Le papier d’argent qui l’étreint
C’est une cape d’argentin
Qui se plie en accordéon
Quand on l’entrouvre pour de bon
Ca vous parle de Buenos Aires
Et des fèves de Ganduja
Mais en gardant tout son mystère
Tout son mystère au chocolat
Le chocolat c’est du gâteau
Ca se déguste in extenso
En praline et en escargots
Mais quand ça vous monte au cerveau
C’est une passion dévorante
Une obsession envahissante
Ca ressemble à du flamenco
Au Paso Doble au Fandango
Mais pas d’erreur c’est un Tango
Moi ce désir sans foie ni loi
J’adore y goûter dans tes bras
J’en ai déjà le cœur fondant
En douceur et en noir et blanc
C’est un rouleau décompresseur
Qui vous délie l’âme et le cœur
Ca vous déstresse et vous détend
Encore mieux qu’un médicament
Mon enfer c’est pas Macao
C’est la poudre de cacao
Quand elle vous fait son numéro
Faut pouvoir tenir le tempo
Faut savoir aussi reculer
Pour ne pas qu’au dernier degré
L’allergie vous guette au placard
Un pas de plus et c’est trop tard
Le chocolat c’est un délit
Ca vous rend fou façon Dali
C’est le supplice de Tantale
Je succombe et tout m’est égal
Moi le souvenir délicieux
De ce premier baiser de feu
Je l’ai toujours au bord des lèvres
Et j’ai sa fièvre au fond des yeux
Toutes les langues de la Terre
L’ont invité dans leurs palais
Il a le chic et la manière
En gentleman il est parfait
Il est parfait au chocolat
Ce Tango possède un secret
Quand il vous prend dans ses filets
Il vous emmène au Nirvanâ
D’où l’on ne revient plus jamais
Et s’il m’embarque pour Cythère
Pour l’avoir dansé un peu trop
On pourra graver sur ma pierre
Juste une plaque avec ces mots :
« Fidèle jusqu’au dernier carré
A la fièvre du cacao
Pour ma dernière volupté
Je veux mourir allegretto
De chocolat et de tango »…
Tango.(***) Et ci-après, la “Lettre au chocolat”
(extraite du livre “Les choses qu’on ne dit pas” (2005, l’Archipel, et sa réédition augmentée, en Livre de Poche (2022)
Cher chocolat,
Écrire ton nom me met l’eau à la bouche… Je sens déjà depuis les tréfonds de mon être monter l’irrésistible appel du placard. C’est comme un acte reflexe sur lequel ma volonté n’a plus aucun pouvoir, et mes pas me portent vers la cuisine. Plus rien n’existe dans l’univers, que cette boîte en fer émaillée de dessins d’autrefois. Le couvercle qui résiste, rend plus pressant encore le désir de sentir ta tendre amertume sous mes dents puis l’explosion de ta suavité sur mes papilles et mon palais. Avant même de casser la barre entre mes doigts fébriles, je sais qu’il va se passer entre nous un moment de sensualité secrète. Dans ce rituel qui commence, les préliminaires font déjà partie du plaisir. J’aimerais davantage de discrétion entre nous… il faut décidément que je mette de l’huile sur les gonds de cette porte, toute la maisonnée va nous entendre…Tu est encore vierge sous la transparence de ta cellophane… Je vais être le premier à dévoiler ta nudité, à caresser le craft de ton papier brun, à t’ouvrir comme une lettre qu’on déchire et qu’on dévore, sans même prendre le temps de découvrir la savoureuse recette imprimée sur ton dos…. Mais d’abord, saisir le petit pli caché de ce voile transparent qui enserre les deux plaques l’une contre l’autre dans leur emballage d’origine. Peine perdue, le collage est parfait, comme d’habitude… Un coup d’ongle sur la césure… Je glisse un doigt sous ta robe de papier, puis du plat de la main, je soulève le rabat qui révèle ta couleur, et exhale une bouffée unique de ton parfum sucré… Le fin du fin, c’est de casser en un seul morceau ta première barre en laissant intact le reste de la plaque… Après, tout va très vite, c’est secret, furtif et délicieux. Un nuage d’enfance surgit, lorsque la chaleur de la bouche entame la fonte des premiers morceaux qui cassent sous la dent, et quand les narines interceptent par le palais les premières effluves parfumées qui vous explosent dans la tête…
Alors, des images enfouies remontent du fond de la mémoire sensitive, quand je te consacrais l’essentiel de mon argent de poche sur le chemin de la communale, le petit arrêt-boulangerie, la plaquette qu’on glisse à l’intérieur du petit pain au lait de quatre heures, toutes nos complicités de frères avec Roland, quand on inventait de nouvelles recettes de petits suisses à 60% roulés dans ta poudre de cacao pour en faire des truffes avant de les saupoudrer de sucre, ou la tartine beurrée avec un hot-dog de banane au Nesquick… Même si on se sent un peu coupable après, tu contiens du magnésium, et le magnésium, c’est nécessaire, et même indispensable pour l’équilibre. En fait, tu es quasiment un médicament. Et là, on en reprend. Parce que s’arrêter, dans ces conditions, ça confine à l’héroïsme. D’ailleurs, pour Jean-Michel di Falco, notre ami de Gap, (et d’agapes) le péché de gourmandise ne commence que quand on se rend malade… Il y a mille façons de te consommer, de t’aimer. Moi, c’est la façon puriste, noir de chez noir, limite corsé. Mais je t’aime aussi pour les autres. Je trouve dans la préparation des desserts une volupté et une jubilation à anticiper le plaisir à venir, pour le partager avec les gens que j’aime. Quoi de plus beau que le moelleux de ta mousse sur la spatule, la frimousse des enfants après le traditionnel lèchage de la casserole, l’onctuosité du mélange qu’on verse dans le moule à manqué avant de le mettre au four préchauffé à cinq et demi…Ce fondant à cœur, pour lequel il faut avoir le courage d’arrêter la cuisson alors que la pointe du couteau ressort encore bien chargée… Et la petite trace aux commissures, qui trahit le gourmand… Je suis un mordu de toi sous toutes tes formes, en crème, en poudre, froid dans le verre ou chaud dans le bol à l’ancienne, en coulis de profiterolles, en petits bouts durs dans la glace molle, avec Dali ou sans, sur un petit poulain blanc ou près d’une vache bleue, belge suisse français ou maya, en nappage, pris en sandwich au coeur d’un macaron moëlleux tout frais sorti du sachet, ou en effluves par le soupirail qui laisse s’échapper dans la rue ton parfum mêlé à celui des croissants chauds du petit matin… Ta lingualité ne se goûte pas, elle se déguste, se savoure, elle se sublime, elle se succule… J’en connais même qui te posent sur le radiateur pour te chauffer à blanc avant de te croquer mou.Tu es chez toi dans tous les palais, tu connais toutes les langues… Tu peux toujours me faire les yeux doux avec tes barres à la noix, tes écorces d’orange confites ou tes éclats de noisettes craquantes, me faire une fleur avec tes fèves blanches de Jandujia, bien que blanc de peau, je suis black de chocolat. Et même si avec ton petit air de ne pas y toucher, l’accoutumance me guette dans un de tes coins sombres, même si je me sens un peu plus accro à chaque fix, jamais je ne n’atteindrai le point de rupture…
Fidèle du dernier carré, je pilerai net à l’extrême limite du supportable. Au premier mal de tête, quand perle la nausée du matin, stop ! J’aurais si peur de franchir le niveau de saturation, la cote d’alerte, de basculer d’un coup dans l’aversion, peut-être même dans l’allergie… Si un jour ton désir me plaque, je fais un cacao nerveux…Et c’est toi qui seras chocolat. Non ce serait vraiment trop triste… Passer le reste de ma vie sans toi… Même Ponette, la chienne, qui reconnaît entre tous le petit couinement discret de la charnière, et s’assied instantanément à mes pieds avec son regard suppliant, ne me le pardonnerait pas. Alors faisons un pacte. Ne me laisse jamais aller trop loin avec toi… Retiens-moi juste avant que je fasse un malheur…En échange, je t’inventerai des mots insensés, que tu comprendras…je ferai un domaine où l’amour sera loi, où tu seras roi…
Mais ne me quitte pas…ne me quitte pas… ne me quitte pas…
Fondu au noir…
Carré blanc.
Yves
à demain…
Yves, tu sais nous prendre par les sentiments !
J’avoue que j’attendais cette page autour du chocolat avec impatience et grande gourmandise et voilà qu’elle nous arrive comme un délice d’humour, une finesse divinement orchestrée, un régal.
Toute la psychologie du chocolat addict est déroulée à merveille dans cette chanson. Je m’y reconnais tout à fait ! Tiens, je vais m’en déguster un carré… au lavendin 😉
Notre bon souvenir à Annick et Dan et remercie-les pour leurs judicieuses suggestions (ah! ces zeugmes…)
Grosses bises Noëlle et Yves, bien chocolatées
A demain, en fidèle gourmandise.
Bonjour Yves, bonjour Noëlle, bonjour à tous,
Combien ai-je râlé, après une furtive découverte de ce tango à la gloire du chocolat, de l’avoir vu disparaître du blog… Il n’était pas resté longtemps en ligne, mais une ou deux écoutes m’avaient suffi pour l’adopter. Et puis, patatras : il n’avait même pas trouvé place sur l’album… La chocolique assumée en a été meurtrie. Comment ? Pas de place pour le chocolat ? Mais on trouve toujours une place pour du chocolat !
Fort heureusement, voici ce titre velouté enfin réhabilité, bien présent dans l’Intégrale, et de retour sur le Blog…
On dit qu’une pomme par jour éloigne le médecin. Pour ce qui me concerne, sans ma dose quotidienne de chocolat bien noir, je risque la migraine. Certains esprits pervers diront que c’est une conséquence d’une longue addiction, et qu’il me faudrait envisager un sevrage progressif. Et puis quoi, encore ?
C’est définitif, je ne me soignerai pas, je resterai accro, et ce «Tango du chocolat» à valeur d’hymne pour tous les addicts !
D’ailleurs, le placard me fait de l’œil depuis un moment. À demain…
Grosses Bises à Yves et Noëlle…
Hélène.
Bonjour Yves et bonjour Noëlle.
Nous avons Patrick et moi eu le privilège d’être invités par l’association pour découvrir votre futur album ” respect ” dans lequel devait figurer ” le tango du chocolat ” mais le texte ne correspondait pas aux messages que vous vouliez nous faire passer . Il nous plaisait bien car nous sommes aussi accros à cet aliment ! Nous avons eu le plaisir de l’entendre aux Folies Bergères au mois de mai dernier .Version définitive . Celle donnée sur votre blog nous aurait aussi bien convenue mais peut être plus difficile à chanter que l’actuelle !
Dans un des programmes d’un Olympia vous nous aviez confié une recette . Celle du triomphe au chocolat que je me suis empressée de faire . Raté ! ( seule Noëlle doit le réussir )
À demain .( C’est comme pour le chocolat , nous ne pouvons plus nous passer de vous .
Nadine.
Bonjour cher Yves, merci mille fois pour encore une chanson si belle!! Grosses bises, Tamara
Pour une accro au chocolat comme moi, cette ode, ce chant d’honneur me réjouit, me porte aux nues et en tango s’il vous plaît!!!
J’avais déjà adoré la lettre au chocolat, où tu t’adresses à lui comme à une personne, elle m’avait beaucoup amusée et j’avais trouvé cette idée, comment dire?…Excellente!
Après 25 ans passés dans une boutique Léonidas à vendre du chocolat, à le mettre en valeur en vitrine, à remplir à la tonne ( et je n’exagère pas) des ballotins de pralines, à aider Saint-Nicolas à confectionner des petits baluchons pour enfants sages, je l’adore toujours autant.
Le voir, le sentir, le toucher quotidiennement en essayant de ne pas le croquer fût pour moi un réel défi, mais heureusement, j’ai résisté.
Assurément , tu as réussi avec brio a partager en texte et en chanson tous les sentiments, même celui de la gourmandise.
Bravo, merci et à demain,
Nicole
Bonjour,
Ce tango est délicieux.
Le plaisir du chocolat est incontestable.
Je chocolate, moi même, régulièrement, peut-être trop ! Mais bon c’est tellement bon !
Mince, le placard ne fait de l’œil, je vous laisse je dois chocolater.
Merci pour les cadeaux de ce jour, à demain
Bonjour Noëlle et Yves, ah ! Le chocolat ! Sur un tango ! Un corps à corps voluptueux assumé complètement par celles et ceux qui le dévorent, le savourent, le cherchent sans répit. Parfois à visage découvert, parfois caché, on se livre sans gêne et sans remords à ce plaisir. J’avoue tout. Je l’aime aussi et doublé d’un thé au chocolat, je me délecte. C’est table ouverte, au spéculoos, au cuberdon, à la lavande, au caramel beurre salé, au poivre rose… je ne peux tous les détailler… Mais je veux bien les partager ! Merci pour ce moment délicieux et pour cette confidence dans votre bulle de préparation. Avec tout mon respect, à demain
Bonjour cher Yves,
Je n’écris presque jamais sur le blog, pourtant aujourd’hui j’en ai vraiment envie.
Le tango du chocolat est vraiment une réussite ! Très plaisante à écouter et réécouter. L’arrangement sur scène est vraiment jubilation, surtout quand la contrebasse et la batterie entrent ! C’est top !
Je vous remercie bcp de nous l’avoir faite découvrir.
Pourtant, en lisant la 1ere mouture du texte, je me dis que vous n’en avaez pas fini avec cette chanson… en effet, pour moi, il n’y a rien à jeter dans ce 1er texte. Au contraire, tout y est pertinent et inventif, et je trouve vraiment dommage que tous ces vers ne se retrouvent pas dans la chanson..
Cette réflexion m’amène à une requête : je pense que ce tango pourrait figurer (avec le texte 1ere mouture) dans un prochain album avec une prise en studio car la chanson vaut vraiment le coup ! Et puisque je vous parle d’un prochain album, comme je sais que “Respect” a eu un coût élevé, je rêve depuis plusieurs années déjà, d’un nouvel album juste guitare-voix.. (ou quelques chansons au piano aussi).. vos arrangements de guitare en.conteepoint sont très bien réalisés et suffisent à donner l’émotion. Et le coût en serait bcp moindre. Mais l’emotion intacte et même décuplée. C’est tellement beau un accompagnement ciselé et minimales, sans orchestration…
Car enfin, je mesure l’énergie que ça vous a demandé de nous proposer cette integrale discographique, et j’aime vois retrouver chaque jour, mais j’ai aussi un petit pincement au cœur car je me dis que toute cette énergie mise au service de votre œuvre, ne peut pas aller avec le fait de composer de nouvelles chansons juste guitare-voix.. Et pourtant, c’edt le plus beau cadeau que vous puissiez nous faire. Le temps passe si vite et j’ai du mal à croire qu’il s’est déjà passé 5ans depuis “Respect”… Alors j’espère que sur ce blog, l’idée d’un nouvel album guitare-voix sera une envie portée par plusieurs fans, et qu’elle vous sera soumise… “Sans attendre”…s’il vous plaît. Le temps passe le temps presse.
Merci de la part d’un admirateur qui vous étudie et qui passe réellement du temps avec vos chansons ❤️
Dan Lévy