Le 4 avril 1983 , Félix Leclerc était invité au Printemps de Bourges pour une soirée d’hommage. Ce fut notre première rencontre, sous l’égide de Jean Dufour, notre agent commun en France. Quelques mois plus tard, Félix nous invitait chez lui, à l’Ile d’Orléans, en face de la ville de Québec, pour une journée inoubliable d’échanges où nous avons découvert, au-delà du poète, un homme en colère contre l’hégémonie de l’anglais dans la “Belle Province”, pourtant francophone à 95%. Cette rencontre a semé en moi la graine d’un engagement qui ne m’a plus quitté. Félix était comme un arbre, il avait pris racine dans un terroir, s’élevait vers le ciel en offrant ses fruits à tout le monde. Il écrivait : “Ce n’est pas parce que je suis un vieux pommier que je donne de vieilles pommes”… ou encore : “Quand un arbre meurt, il laisse deux trous. Le plus grand dans le ciel…”. Au retour de cette “belle visite”, j’ai compris que son combat était sans doute déjà le nôtre sur le vieux continent. Encore imprégné de cette conversation, j’ai voulu offrir à la langue française un écrin que j’ai dédié à Félix Leclerc,
“La langue de chez nous” :
Quand Félix a pris son dernier envol, le 8 du 8 1988 à huit heures, j’ai écrit pour lui un texte, qui n’a jamais reçu de musique :
CHANSON POUR FELIX
Je sais une île au bout du monde
Et quand ma peine est trop profonde
J’y voyage sur des chansons
Avec Félix pour compagnon
Il est parti pour l’autre rive
Avec nos cœurs à la dérive
C’était l’été, mais sur la Terre
Il faisait froid comme en hiver
J’aurais aimé qu’il fut mon père
Je l’aurais connu bien avant
J’aurais partagé ses colères
Et ses bonheurs et ses tourments
Mais ma guitare est orpheline
Et mes chansons frissonnent un peu
Il manque un vers à mes racines
Et j’ai le cœur au bord des yeux
C’était un jour de poudrerie
L’île était blanche et le ciel bleu
Il nous a fait entrer chez lui
J’ai rencontré un Roi heureux
Sa voix qui sentait la lumière
Et le beau verbe d’autrefois
Creusait dessillons dans la terre
Avec la force de sa foi
Ma mémoire est bien trop petite
Pour un homme aussi grand que lui
Et le temps passait bien trop vite
Quand vers la tombée de la nuit
On repartait sur un nuage
Avec le cœur plein de chansons
En ayant fait de longs voyages
Autour du feu dans sa maison
Il a légué dans sa musique
Un vrai pays à ses enfants
Aux frontières de l’Amérique
Et je suis sûr qu’il est content
Et sur son île au bout du monde,
Lorsque son âme est vagabonde
Le vent siffle autour des maisons
Les plus belles de ses chansons.
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à demain…
Bonjour Yves, bonjour Noëlle, bonjour à tous,
Merci, Yves, de dévoiler ici ce beau texte à la mémoire de Félix Leclerc.
C’est en 1974, en entendant le merveilleux trio constitué par Félix Leclerc, Gilles Vigneault et Robert Charlebois interpréter «Quand les hommes vivront d’amour», que j’ai compris qu’on parlait Français au Québec. Jusque-là, même si on m’avait raconté les départs des colons Français vers le Nouveau-Monde, la vente de la Louisiane aux États-Unis par Napoléon, Robert Charlebois n’avait pas encore chanté «Cartier», et j’étais à peu près certaine que de l’autre côté de l’Atlantique, on ne parlait qu’Anglais…
Ce merveilleux trio, donc, m’a ouvert les yeux, et permis de découvrir le répertoire de Félix Leclerc, que j’avais jusque-là pris pour un Français dont je me demandais de quelle région provenait son drôle d’accent.
Et puis, un soir, sur France Inter, dans un «Pollen» de Jean-Louis Foulquier, nous avons entendu un texte qui n’avait pas encore vraiment de titre, et surtout pas encore de musique. C’était, bien sûr, «La langue de chez nous», simplement déclamée. Le silence qui a suivi sur l’antenne était éloquent : on tenait un truc d’une force incroyable.
En fait, la mélodie qui s’est posée sur ces mots était déjà dans le texte. On y retrouve le rythme propre des Alexandrins, et Brassens aurait pu s’en servir d’exemple pour son petit cours de mise en musique : «On ne peut pas mettre n’importe quelle musique sur n’importe quel texte, sinon, ça ne veut plus rien dire» avait-il expliqué dans «Le grand échiquier» en 1978.
«La langue de chez nous» a fait bien plus pour la langue Française que bien des actions officielles, des publications «de commande» en faveur de la francophonie, et si elle est devenue un véritable hymne au Québec, c’est sans doute parce que nos cousins d’outre-Atlantique sont bien plus conscients que nous de la fragilité de notre langue face aux assauts constants qu’elle subit jusque sur notre territoire. La «Dinosaure Latiniste» dont les oreilles saignent de plus en plus souvent en écoutant la radio vous en sera toujours reconnaissante…
Quant à ce texte dédié à Félix, peut-être, un jour, trouvera-t-il la musique idoine. Il suffira pour cela de suivre les bons préceptes de Tonton Georges.
A demain…
Grosses Bises à Yves et Noëlle…
Hélène.
Cette chanson, me bouleverse à chaque écoute. La Langue de Chez Nous est un très grand texte, une mélodie qui transporte, un hymne à notre belle langue.
Et surtout, c’est un ami très cher à présent disparu qui, en me parlant de cette chanson avec tant d’admiration lors de sa création, m’avait incitée à l’écouter attentivement…
Félix Leclerc, c’est mon père qui me l’avait fait connaître avec notamment “Moi, mes souliers” et “Grand papa pan pan”. Il l’adorait et le comparait à Brassens.
Oui, on a tous besoin de maîtres à penser et à aimer…
A demain !
Bonjour Yves, bonjour Noëlle,
Tous les 4 avril, je fête mon anniversaire. Le 4 avril 1983, je fêtais probablement en famille, mes 17 ans. Ça faisait déjà au moins 6 ans que je soûlais les oreilles de mes parents avec mes cassettes qui passaient en boucle du Duteil dans ma chambre….
J’ai 2 enfants qui sont nés un 8….
Comme le dis si bien quelqu’un que je connais, j’ai un profond respect des dates anniversaires…..
Je vis ma « passion » Duteil depuis plus de 45 ans et je découvre tous les jours depuis le début de ces publications quotidiennes des petites choses qui me relient encore plus à vous deux. Je ne vais pas tout développer, mais c’est dingue. Sans parler bien sûr de l’admiration profonde que j’éprouve pour le poète, le musicien, le chanteur, l’homme et sa muse, indissociable.
Quant à « La langue de chez nous », quelle fierté pour nous tous francophones !
À demain. Et surtout au 2 novembre !!
Bonjour Noëlle et Yves, la chanson pour Félix mérite une musique dont vous, seul, avez le secret. Ce sera celle du coeur et partira droit dans les étoiles ainsi que dans le coeur du public qui chérit les textes authentiques. Vous avez fédéré tout un peuple avec un hymne qui porte le français au panthéon du respect et de sa défense. En vous entendant la conscience de l’ancrage a repris le chemin de la reconnaissance. Nous devons être fiers de notre langue. Votre filiation avec Félix est incontestable. Je la trouve tellement naturelle. Julos Beaucarne, chanteur compositeur et interprète belge francophone, ardent défenseur du français et du wallon, disait qu'”une chanson c’est peu de chose mais que ça peut le faire pour défendre une langue aussi belle que celle qui vient de nos mères”. Pour moi une chanson c’est beaucoup. Je me souviens avoir reçu, d’un ami, une interview exclusive de Félix réunie sur trois cassettes. Je m’étais empressée de vous les offrir à la fin d’un concert. Je les savais en de bonnes mains. Avec tout mon respect, à demain
Bonjour Yves, bonjour Noëlle,
Magnifique langue française qui permet tant de nuances et de subtilités.
Dans vos textes et chansons vous la sublimez.
La chanson pour Félix attend … elle a de la patience !
Merci, à demain
Merci pour “La langue de chez nous”. J’étais à la salle Albert Rousseau ce soir-là. C’était la première fois que je vous voyais sur scène. Vous veniez de nous DÉLIVRER. J’en porte encore l’émotion. Merci au nom des Québécois!
La langue française avait besoin d’être défendue et quoi de mieux pour se faire entendre q’une chanson à entonner partout où cela n’était pas compris. Tu as eu une idée de génie en décidant d’écrire texte et musique pour sa défense car les chansons voyagent, c’est bien connu…
Ton hommage amical à Félix est bouleversant et ajoute à ta chanson une grandeur d’âme et de cœur.
Un jour tu nous as raconté que Noëlle t’avait poussé à améliorer ton texte, a ajouter quelque chose qui parlerai mieux du Québec afin que l’hommage soit plus précis et plus convainquant et tu as rajouté :
“Nous dire que là bas dans ce pays de neige
Elle a fait face au vent qui souffle de partout
Pour imposer ses mots jusque dans les collèges
Et qu’on y parle encore la lange de chez nous.”
Et là, tu nous as dit que tu avais trouvé le titre…”LA LANGUE DE CHEZ NOUS”
Quel coup de maître !!!
Merci et à demain,
Nicole
Si si belle!! Merci beaucoup, Yves
que du bonheur tout au fond du cœur et de l’âme ! merci.
Mercredi 1er novembre s’ouvrira la cité internationale de la langue Française . Une émission spéciale ce soir lundi 30 octobre .
Emission spéciale à 23H40 – ” Un voyage en langue française” – 155 min (France 2)
Soirée spéciale présentée par Claire Chazal et Michel Field en direct du château de Villers-Cotterêts, à l’occasion de l’inauguration de la Cité internationale de la langue française le 30 octobre.
Apparemment la soirée s’ouvrirait sur” La langue de chez nous” interprétée par plusieurs artistes, Claire Chazal n’ayant pas souhaité faire de doublon avec “Le grand échiquier” spécial francophonie auquel j’ai déjà très récemment paricipé avec “La langue de chez nous”
Yves
Parlé sur les cinq continents, le français est une langue diverse, qui se réinvente en permanence. Il rassemble comme il agace ou émerveille, on peut en explorer à l’infini les nuances, la musicalité ou les bizarreries. Entourés d’artistes et de personnalités qui font vivre le français dans toutes ses formes et ses expressions, nous plongerons dans cette langue qui est celle de l’amour comme des fautes d’orthographe, de la danse classique comme des Jeux Olympiques, du droit comme de la poésie… Ce français qu’on appelle la langue de Molière mais qui est aussi celle de plus de 320 millions de personnes à travers le monde…
Artistes et personnalités de la soirée : Patrick Bruel, Natacha Saint Pier, Ycare, Axelle Red, Chimène Badi, Black M, Hiba Tawaji, Gaëtan Roussel, Adeline Lovo, Farah El-Dibany, Robert Charlebois, Pierre de Maere, Jacub J Orlinski, Anggun, Nuit Incolore, Barbara Cassin, Passi, Julie Neveu, Fan Attiki, Paul Rondin, Géraldiner Moinard, Bernard Fripiat, Erik Orsenna, Kamel Daoud, Samia Orosemane, Seynabou Sonko, Fann Attiki…
Réalisation François Goetghebeur • Production Electron Libre Productions –
Salut à toutes et tous !
Bon, eh bien ! il faudra encore qu’un méchant Québécois vienne mettre un peu réalisme dans vos (pourtant très touchants…) rêves. Vous me pardonnerez je l’espère de vous inviter à mieux aligner vos yeux (tendres) aux trous de la plus stricte (et brutale) réalité ?
D’abord, la vérité c’est que plus personne en France ne sait qui est Félix. Sans doute n’est-ce pas vrai dans votre cercle d’amitiés, que personne ne l’ait oublié et c’est tant mieux, mais à l’extérieur de celui-ci, plus personne ne s’en souvient… Dans ce que nous appelons entre nous là-bas “le vrai monde”, prononcez son nom et demandez qui il était, vous verrez le résultat. Même en chantant l’une ou l’autre de ses chansons à votre interlocutrice ou -teur, rien d’autre n’en sortira que des épaules et des sourcils qui se lèvent. C’est dommage, c’est triste, c’est tout ce que vous voulez, mais essayez et vous le verrez. Au mieux, si vous chantez un p’tit bout de “Quand les Hommes vivront d’amour”, une personne sur vingt vous dira “ah oui !”. Sauf que cette chanson n’est pas de lui mais de Raymond Lévesque et que celui-là, ce n’est pas une personne sur cent qui s’en rappelle dans ce pays mais une sur mille… Et encore, en étant chanceux ce jour-là…
Alors bon, si une musique pouvait accompagner ce magnifique texte que je viens de lire ci-haut, j’en serais le premier heureux. P’t’être bien que Félix lui-même et ses enfants en seraient contents ? Mais ne rêvez pas trop, parce que nombre de Québécois ont maintenant bien remarqué que lorsqu’il faut se retrousser les manches et combattre concrètement pour la langue française là-même où elle est le plus maltraitée, pardon de le dire tout cru, mais les Français en sont singulièrement absents…
Non pas parce qu’ils sont peureux, ils ne le sont pas. Mais parce qu’ils ne veulent tout simplement pas écorcher leur image de prestige (au contraire du général qui en 67 y a perdu toute valeur médiatique…) !
Désolé pour ces mots, ces maux, mais de temps et temps, il faut bien que quelqu’un (qui n’a rien à perdre parce qu’il n’a rien…) dise les choses. Quitte à ce qu’elles ne soient que lues, parce qu’il serait étonnant (comme à l’habitude ailleurs) qu’elle soient publiées…
Mes amitiés sincères à tous, en commençant par Monsieur Duteil bien sûr, malgré tout.
Tourlou !
Merci à la modératrice ou -rateur, qui sans rater m’a bien aidé …
Tourlou !
bonsoir
Passionnée par notre belle langue, inutile de vous dire combien j’aime cette chanson que je chante par coeur accompagnée par la bande son du CD qui se trouve dans l’ouvrage à spirale ” Yves Duteil 30 ans de chansons” chant, guitare, tablatures.