Les évènements se bousculent et nos repères vacillent. L’atmosphère respire le danger, et cette ère de progrès, de puissance et de création, qui semblait prometteuse de paix et de fraternité, nous confronte à l’incertitude et à la violence. Pourtant notre nature nous incline à la résistance. Nous avons souvent surmonté des épreuves, et repris la route avec courage. L’adage tibétain qui affirme qu’il n’y a pas d’effet sans cause, est vrai aussi dans l’autre sens. Nous influons sur l’avenir, et là où il y a une volonté, il y a un chemin. Je veux garder allumée cette petite flamme fragile qui éclaire la prise invisible sur la paroi verticale de l’infranchissable sommet. L’intuition d’une piste de résilience, un espoir qui renaît. Après deux concerts en sept mois, je reçois de votre part des messages d’une force et d’une beauté qui m’encouragent à ne pas lâcher ma guitare, à continuer à délier mes doigts sur le clavier du piano pour rester prêt le jour venu à vous offrir un moment de poésie et de musique à partager à nouveau. C’est une forme d’immunité différente, qui nous protège mutuellement. Nous avons tenté d’organiser un concert exceptionnel, des amis se sont groupés autour de cette idée, mais nous n’avons pu parvenir à concilier toutes les contraintes pour conjuguer prudence et équilibre. Le couvre-feu de 21 heures a ajouté une couche supplémentaire de complexité qui a eu raison de ce joli projet… que nous gardons en tête et au fond du coeur. Il faut parfois un esprit marin pour savoir qu’on ne navigue pas à contre-vent. Comme Bertrand Piccard, inventeur du Solar Impulse et premier “savanturier” à avoir fait le tour du monde en montgolfière, il faut parfois changer d’altitude pour rencontrer des vents plus favorables… Et ma Noëlle veille, elle aussi, sur cette nuit qui nous enveloppe. L’inquiétude qui nous paralyse peut devenir le moteur de l’espérance. Pour mettre à profit cette période d’immobilité relative et de courants contraires, j’écris. Je sens combien ce moment est important, comme un tournant de la vie. J’ai toujours envie de comprendre, de reprendre la barre du navire pour continuer la belle traversée… Quand la boussole s’affole, il nous reste les étoiles. Dans la salle, les yeux du public scintillent dans le noir au-dessus des masques. Un repère immuable qui ne disparaît pas quand la lumière revient… Vos regards, vos lignes, votre (im)patience sont autant de lignes de vie. Le livre avance, je n’aurai pas perdu ce temps ni lâché vos mains dans cette épreuve partagée. Nous allons nous retrouver bientôt, avec le masque et la plume… Je vous embrasse…
Chère Juliette Gréco,
Vos chansons ont toujours accompagné ma vie, et leur qualité m’a toujours inspiré le plus grand respect. Votre silhouette en noir et blanc, votre voix en couleurs et vos mains volubiles ont porté tant d’émotions, votre regard chargé de mystère a créé tant de personnages, de poésie et d’images, que votre coeur est entré dans les nôtres, pour une longue histoire d’amour réciproque… Je veux juste poser un jalon de mémoire sur votre ciel étoilé. En 1976, à L’Olympia, vous donniez un concert unique, “Mon fils chante !“, et vous aviez choisi de présenter plusieurs jeunes artistes en première partie. J’étais l’un d’entre eux. Vous m’avez ouvert ce soir-là le plus prestigieux music-hall du monde. Depuis, nous nous sommes croisés quelquefois au hasard des scènes et des plateaux. Je n’ai jamais oublié.
Merci Juliette…
Tous les voyants de la culture sont… à l’orange. Mais selon le Code de la route, à l’orange, on s’arrête. Nous n’avons pas foulé la scène depuis six mois. Musiciens, techniciens, public, artistes, directeurs de salles, producteurs de spectacles vivants, nous sommes tous en manque… Distanciation risque sanitaire, risque financier, reports et annulations en chaîne, incertitude sur les décisions à venir, nous sommes dans l’oeil d’un cyclone, un casse-fête chinois… Les perspectives d’ouverture de salles défendues par Roselyne Bachelot, notre ministre de la Culture, sont conditionnées par l’arbitrage du virus lui-même, invisible grain de poussière aux limites du vivant. A l’évidence nous n’allons nulle part pour l’instant… Alors peut-être pourrions-nous essayer d’y aller ensemble ? Imaginons comment nous exposer sans vous exposer, comment nous retrouver sans nous perdre. Laisser la culture en jachère dans cette phase de sécheresse pourrait engendrer de nouveaux déserts. On évoque le poids économique de la création culturelle, le million et demi d’emplois qu’elle induit, les montants de revenus qu’elle génère, deux fois supérieurs à ceux de l’industrie automobile… Mais culture et santé sont intimement liés. Le bien-être est un facteur important de l’immunité. Le corps est mieux armé contre l’adversité quand l’esprit est nourri d’émotions positives. Alors… si nous trouvions la formule magique pour se revoir, seriez-vous là ? Si à notre échelle, nous parvenions à concilier la sureté sanitaire et le réalisme économique, la dimension humaine et le respect des mesures barrière , dans des lieux où il serait possible de réunir ces conditions raisonnables, seriez-vous enclins à nous rejoindre ? Ces lieux existent, et là où il y a une volonté, il y a un chemin… La culture est comme l’eau, elle est comme l’eau vive… Sitôt qu’on l’enferme, elle n’a de cesse que de prendre des sentiers de traverse… Ensemble, en liberté sur paroles… Si on chantait…?
A vite ?
Yves
Yves Duteil
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