Les débats autour de la Loi Création et Internet ont repris à l’Assemblée Nationale. L’enjeu consiste à trouver un échange équitable entre les internautes et les artistes de la musique et de l’image. Il s’agit de garantir à la création un espace de survie. Il est rare de pouvoir exprimer le point de vue des artistes hors des polémiques habituelles sur le sujet. Le journal La Croix m’a demandé de le faire… Cette tribune est parue hier jeudi 2 avril 2009 :
“Il faut un code de la route de l’internet. La culture gratuite et accessible à tous est un leurre. Toute gratuité est financée, par l’impôt, les cotisations ou la pub, et respecte un équilibre… Ce n’est pas le cas du téléchargement sauvage. La disparition des supports musicaux est un trompe l’oeil. Le CD s’effondre, mais la clé USB, le lecteur mp3, l’iPod, les écouteurs, la carte mémoire, le disque dur externe, les Smart Phones, font le bonheur des marchands de matériel à dématérialiser la musique. Or, devant la caisse, nulle voix n’invoque la gratuité des écrans plats, des ordinateurs, des processeurs, des systèmes d’exploitation, des graveurs, encore moins celle des abonnements et accès Internet, bref, de l’incontournable kit sans lequel on ne peut écouter, graver, échanger, stocker, lire ou télécharger les chansons. Qui invite les artistes à partager cette manne colossale dont ils sont devenus le produit d’appel ? Pire, on leur conteste le droit de gagner leur vie, les moyens de produire leur prochain album. Avec la technologie, on a pris l’habitude de partager ce qui ne nous appartient pas. Mais les créateurs ont leur mot à dire dans ce hold-up où la démagogie de certains politiciens irresponsables a donné le signal de l’impunité aux amateurs de téléchargement illégal. Il n’existe aucun autre domaine sur Internet qui permette au consommateur de ranger sa carte de crédit sans l’accord du vendeur, du fabricant, de l’inventeur des produits proposés dans la vitrine.
Le mot « liberticide », exhumé du grenier, avait déjà servi d’épouvantail pour combattre la loi sur les Quotas à la radio, dont chacun convient aujourd’hui qu’elle a sauvé la production française. La loi Création et Internet constitue le seuil minimum sans lequel nous perdrions l’essentiel : la propriété intellectuelle. Créer est aussi une liberté. Les artistes ont envie de faire connaître leurs œuvres, mais pas au prix de leur mort économique. La qualité de la production a besoin des ingénieurs du son, des musiciens, des orchestrateurs, cette chaîne de talents a un prix. Et rien, c’est trop peu. Les artistes qui vivent de leur métier sont de moins en moins nombreux. La légende des revenus en or massif du show-biz-jet-set a fait long feu et reflète une élite minuscule. Les Majors sont en pleine implosion. La musique est un secteur sinistré. Pensons aux intermittents du spectacle… Au concert on paie sa place. Chez le disquaire on règle son CD. Sur internet la boutique est immense, mais elle fonctionne pareil. Une suspension partielle de l’abonnement en cas de vol de musique n’est pas plus choquante que la coupure du portable en cas d’impayé… le principe des messages d’avertissement permet d’éviter ce désagrément. A l’inverse, une amende (ingérable) donnerait à l’internaute le sentiment d’avoir acheté son droit à télécharger illégalement… et l’argent collecté ne reviendrait même pas à la musique ! La Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et leur Protection sur Internet (HADOPI) est une nécessité, qui garantira un échange équitable entre les créateurs et leurs amateurs sur le web.
J’aime la musique, j’écoute les artistes, même quand ils crient leur inquiétude… ”
Yves Duteil
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